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Perrine Bettin

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Perrine Bettin

21 mai 2025


Texte Patricia Parquet - Photos Corentin Leray / Harley C et Kim Berguerand

Dans la vallée de Chamonix, la designer culinaire Perrine Bettin imagine des saveurs pour faire parler les glaciers en péril. Une expérience culinaire immersive originale en cette Année internationale de la préservation des glaciers.

Au pied des géants de glace, Perrine Bettin a imaginé une expérience immersive qui fait vibrer les papilles autant que les consciences. Elle nous donne rendez-vous au cœur de la forêt et de la moraine d’Argentière, au fond de la vallée de Chamonix. Elle aime partager son univers poétique et faire découvrir ses concepts originaux mêlant design, art, science, nature et gastronomie. Au cours de sa formation de designer culinaire à l’ESAD de Reims, elle a eu l’idée de raconter les écosystèmes alpins. De retour dans la vallée quelques années plus tard, elle prend en photo le glacier des Bossons au printemps et à l’automne. « En le regardant, j’avais l’impression de voir un membre de ma famille vieillir et mourir », raconte la jeune femme, native de la vallée de Chamonix, touchée par la disparition des glaciers.

Entrer dans le paysage

Pourquoi les glaciers existent-ils ? Pourquoi en parle-t-on autant ? Pourquoi les protéger ? Ils bougent, évoluent, sculptent le paysage et sont habités par du vivant. Perrine Bettin réussit à traduire tout cela en pleine nature, d’une manière poétique à travers des dégustations, réalisées avec la complicité de Takeshi Minagawa, sous-chef du restaurant le Matafan, à Chamonix. Comme pour un pique-nique, les participants s’assoient dans la nature, face au glacier du Tour. Ils ressentent le froid du sol, caressent la roche de la moraine, écoutent le vent et le son des torrents. « L’idée est d’éveiller nos cinq sens, entrer dans le paysage et le temps d’une heure, se mettre à la place du glacier pour mieux le comprendre. J’explique que l’on va plonger dans le paysage et comment ne pas le regarder comme une carte postale, mais le voir comme une personne vivante » explique-t-elle.

« En regardant les glacier des bossons, j'avais l'impression de voir un membre de ma famille vieillir et mourir »

Nadine Auriacombe

« Recouvert du menu, la boîte contient six bouchées, véritables joyaux gustatifs»

Nadine Auriacombe

Boîte à trésors gustatifs

Le cœur de l’expérience réside dans une boite conçue comme une malle aux trésors glaciaires qui renferme six bouchées, véritables joyaux gustatifs. Une fois révélés, ils libèrent leurs secrets enfouis dans les strates des glaciers. Les convives sont invités à savourer les yeux fermés tandis que la designer lit un poème d’une voix douce. De quoi poser l’esprit, à l’écoute du paysage. « L’idée est de représenter l’infiniment grand de cette masse glaciaire dans l’infiniment petit d’une boite qui contient six dégustations. Je nourris l’esprit et pas le ventre », souligne-t-elle avec humour. Tout ce qui est présenté, dit, montré… contient un message. La guimauve, par exemple, représente les bulles d’air enfermées dans la masse de glace. Cette bouchée évoque le travail des scientifiques effectuant les carottages dans la glace. Les convives sont invités à piquer cette guimauve à l’aide d’un bâtonnet comme s’ils effectuaient le carottage. À l’intérieur, ils découvrent un fruit rouge déshydraté et des billes de citron caviar qui explosent en bouche ; c’est comme ressentir les bulles d’air emprisonnées et conservées dans la glace depuis des millénaires.

Symphonie des saveurs alpines

La richesse de la flore locale se retrouve dans chaque création. Le génépi, le serpolet, la marjolaine, les myrtilles sauvages… évoquent la biodiversité. À l’aide d’un syphon, le chef dépose une dernière couche parfumée au thym serpolet et au miel, symbolisant la neige tout juste tombée sur le glacier. Les convives croquent dans cette bouchée, composée de quatre strates, comme s’ils venaient croquer le glacier afin de comprendre les différentes textures et la transformation de la neige en glace. Tout passe par les émotions et l’éveil des cinq sens. « J’aimerais que cette expérience vécue dans la tête et dans le corps soit comme une madeleine de Proust ; c’est-à-dire que les participants s’en souviendront encore dans 10 ans. Beaucoup d’entre eux m’ont confié regarder désormais les glaciers différemment ». Plus qu’une simple dégustation, cette expérience devient un acte de mémoire et un bel hommage aux géants de glace, témoins silencieux et victimes du changement climatique.

« Les formes sont géométriques, les volumes classiques pour ne pas tromper avec le visuel car je veux que les gens se concentrent sur le ressenti. »

Nadine Auriacombe

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